CRISPR/Cas9 CNRGV

CRISPR/Cas9 : le couple star qui révolutionne l’écriture de génome…

Quel est ce couple qui fait la une des journaux ? Qui se montre, se publie, se twitte et fait de l’ombre aux OGM ? Non ce n’est pas un nouveau couple de stars. Ce duo se nomme CRISPR/Cas9. Il permet de modifier facilement et précisément l’ADN, source de l’information génétique des organismes vivants. Cette technique est devenue tellement incontournable que le magazine Science lui a décerné les Lauriers de la découverte de l’année 2015.

CRISPR signifie Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ou groupe de courtes répétitions palindromiques espacées régulièrement. Ces petites séquences d’ADN ont été caractérisées par Mojica et ses collaborateurs en 1993 en étudiant le génome d’une bactérie trouvée dans des marais salants. Les chercheurs ont observé que ces séquences répétées encadraient des morceaux d’ADN alors inconnus. Grâce à l’enrichissement des bases de données, ces séquences ont ensuite été identifiées comme étant de l’ADN de virus bactériens, les bactériophages. Le système CRISPR fonctionne comme un mécanisme de vaccination, conférant aux bactéries une protection immunitaire ciblée contre les virus rencontrés. Des morceaux d’ADN de bactériophages sont gardés, comme « en mémoire », dans le génome de la bactérie, entouré de ces séquences CRISPR. Cette séquence est ensuite transcrite en ARN, séquence d’acides nucléiques simples brins, sorte de copie de l’ADN, contenant l’information sur la séquence virale à reconnaitre. L’enzyme Cas9 utilisera cette molécule d’ARN guide pour se fixer sur la séquence cible du virus, couper son ADN et le détruire.

En 2012, deux équipes de chercheurs ont produit in vitro les différents acteurs de cette technique, l’enzyme et l’ARN guide, et montré son intérêt comme outil pour l’ingénierie de génomes (Gasiunas et al., 2012 et Jinek et al., 2012). Cas9 peut, en effet, être programmée en l’associant à un ARN cible correspondant à la région du génome à couper. De plus, dans les cellules eucaryotes, un morceau d’ADN peut être introduit avec l’enzyme et l’ARN guide, il sera alors intégré dans la séquence pour remplacer la région coupée. Cette technique permet donc de remplacer un gène abimé par sa copie réparée ou de l'inactiver pour étudier sa fonction. D’autres techniques peuvent aussi faire ce type d’écriture de génome mais la technique CRISPR/Cas9 est très simple et très rapide et donc peu coûteuse.

Cette technique CRISPR/Cas9 est tellement prometteuse, qu’en aout 2015, Bill Gates a investi 120 millions de dollars dans la société Editas Medicine, qui utilise cet outil pour des applications en Médecine. Plusieurs équipes de recherches ont depuis publié de nombreuses applications de cette technique dans de nombreuses espèces partout dans le monde. Chez les plantes, CRISPR/Cas9 constitue une alternative inédite aux OGM classiques. La spécificité de cette technique réside dans le fait qu’il n’y a pas d’intégration d’ADN d’une autre espèce mais plutôt réparation d’un gène déjà présent à l’état naturel dans la plante. Le système CRISPR/Cas9 ouvre un très large champ d’investigation dans les sciences du vivant et laisse entrevoir des perspectives très prometteuses en recherche.

CNRGVCRISPRcas9Site

@GeK

En savoir plus

  • Revue « The Heroes of CRISPR” Lander ES. Cell. 2016 Jan 14;164(1-2):18-28. doi: 10.1016/j. Cell.2015.12.041. Review. PMID:26771483
  • Revue « Development and applications of CRISPR-Cas9 for genome engineering” Hsu PD, Lander ES, Zhang F. Cell. 2014 Jun 5;157(6):1262-78. doi: 10.1016/j.cell.2014.05.010.
  • Film « Modifier le génome avec CRISPR #18 » sur le Blog Science étonnante de David Louapre
  • Article du HuffPost, CRISPR-Cas9, une révolution génétique qui promet beaucoup (et pose de nombreuses questions) par Grégory Rozières

Articles cités

  • Mojica, F.J.M., Juez, G., and Rodrı´guez-Valera, F. (1993). Transcription at different salinities of Haloferax mediterranei sequences adjacent to partially modified PstI sites. Mol. Microbiol. 9, 613–621.
  • Gasiunas, G., Barrangou, R., Horvath, P., and Siksnys, V. (2012). Cas9-crRNA ribonucleoprotein complex mediates specific DNA cleavage for adaptive immunity in bacteria. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 109, E2579–E2586.
  • Jinek, M., Chylinski, K., Fonfara, I., Hauer, M., Doudna, J.A., and Charpentier, E. (2012). A programmable dual-RNA-guided DNA endonuclease in adaptive bacterial immunity. Science 337, 816–821.

Voir aussi

A propos de l’auteur

Céline CHANTRY-DARMON est chercheuse au CNRGV depuis janvier 2016. Après avoir obtenu un Doctorat en Génétique moléculaire sur la cartographie du génome du lapin, Céline a effectué un premier post-doctorat en Génomique fonctionnelle entre le CEA et l’Institut Pasteur sur les interactions entre les cellules humaines et le virus de la Dengue, puis un second post-doctorat en Génomique structurale et Bioinformatique sur les génomes de bactéries du genre Flavobaterium à l’INRA. Elle a ensuite intégré Labogena, un laboratoire d’analyses génétiques et génomiques des animaux d’élevage,  pour y encadrer l’Unité en charge des relations clients et gérer les projets de génomique du laboratoire en collaboration avec les chercheurs de différents instituts publics (INRA, CNRS, IFREMER, CIRAD…). Céline a été recrutée au CNRGV pour prendre en charge le développement de nouvelles technologies pour l’étude de génomes complexes et notamment la capture de grands fragments d’ADN.